Le problème avec les prédictions

En 2006, la NASA lançait sa sonde spatiale New Horizons.

Presque 10 ans plus tard, New Horizons arrivait devant Pluton, l’objectif de sa mission. Selon l’agence spatiale américaine, le voyage entier aura duré 1 minute de moins que ce qui était prévu au moment du lancement. Autrement dit, la prédiction de la NASA pour ce long voyage vers l’inconnu qui a duré 10 ans était correcte à 99,99998 %. C’est comme si vous aviez planifié un voyage entre Paris et Rennes à 4 millionièmes de seconde près.

Mais la physique n’est pas impactée par nos caprices ou nos émotions. Le problème, c’est quand on essaie d’appliquer ce genre de prédictions au monde des affaires, de l’économie ou de la finance. Autrement dit, des systèmes complexes impossibles à expliquer avec des formules mathématiques. Mais ce genre de résultat est tellement irrésistible, qu’on continue à essayer de prédire le futur, à jouer en bourse, ou à faire des business plans.

Sans se rendre compte à quel point on frise le ridicule.

Prédire comme une vache norvégienne

Une émission de TV Norvégienne a organisé une compétition de sélections d’actions en Bourse entre des pros dans le milieu, un astrologue, des bloggers de beauté et, tenez-vous bien, des vaches en train de chier dans un champ. Oui, vous avez bien lu. La preuve en images :

Avant de regarder les résultats, d’après vous, comment s’en sont sortis les participants après trois mois de compétition ?

L’astrologue a eu les pires résultats. Et ça me fait presque plaisir.

« Bah merde, j’avais mis mon nœud papillon porte-bonheur pourtant, j’comprends pas. »

Il a fait moins bien que la bourse norvégienne sur la période du challenge. Si vous aviez besoin d’une raison que ce sont des charlatans, vous l’avez.

Les pros ont fait mieux que l’index, mais juste en-dessous des vaches et leurs excréments – menées par leur star Gullros.

La justification des hedge fund managers ? « Nos retours étaient bien moins volatiles que ceux des vaches. »

Pas très convaincant tout ça.

Vous l’aurez deviné, les bloggers beauté ont fini grands gagnants de ce challenges, avec un excellent retour de 10 % sur les 3 mois. Sans même connaître une seules des entreprises de la liste – pas même Norsk Hydro, l’une des boites les plus anciennes et les plus grosses de Norvège.

La crème de la crème Nivéa

Beaucoup de leçons à retenir ici. Mais ça ne s’arrête pas là. Les présentateurs avaient réservé une annonce surprise pour la fin de l’émission. Leur portefeuille a battu tout le monde à plates coutures, avec un retour proche de 25 %.

Vers le haut et vers la droite, tout ce qu’on aime.

Deuxième surprise annoncée dans la foulée, quand ils annoncent que ce n’est qu’un portefeuille parmi les vingt qu’ils ont tentés. Une façon merveilleuse d’illustrer le biais du survivant.

Les prédictions vous en disent plus sur ceux qui les font que sur le futur.

Les business plans sont des fantasmes

Écrire un business plan vous donne l’illusion de contrôler ce sur quoi vous n’avez en réalité aucun contrôle : le marché, vos concurrents, vos clients, l’économie, etc.

Pourquoi ne pas considérer ces business plans pour ce qu’ils sont vraiment : des suppositions ?

Les plans laissent le passé diriger le futur. Ils vous mettent des œillères. « C’est là qu’on va, parce que, ben, c’est ce qu’on a décidé quoi. » Les plans ne sont pas flexibles. Pourtant vous avez besoin de pouvoir improviser. Vous devez pouvoir saisir les opportunités quand elles se présentent. Parfois, vous devez pouvoir dire, « Nous allons dans une nouvelle direction, parce que c’est ça qui a du sens aujourd’hui. »

L’autre problème des business plans sur 3 ou 5 ans, c’est justement leur timing On a le plus d’informations au moment où on commence quelque chose, pas 6 mois avant. Pourtant, les entreprises formulent souvent leurs plans des années en avance.

Pour se préparer à la guerre, j’ai toujours pensé que les plans étaient inutiles, mais que planifier était important.

Dwight D. Eisenhower

Je ne dis pas que vous ne devriez pas penser au futur, ou réfléchir à comment approcher les obstacles à venir. Ça restera toujours un exercice utile. Mais ne pensez pas que vous avez besoin de tout formaliser, ou d’obséder sur vos plans. Il y a de grandes chances qu’ils finissent au fond du tiroir.

Décidez ce que vous allez faire cette semaine, pas cette année.
Identifiez quelle est la chose la plus importante aujourd’hui, et faites-la.
Si possible, focalisez-vous sur les choses qui ne changent pas.


Pour revenir sur la finance avant de conclure, voilà 3 exemples supplémentaires pour bien comprendre que spéculer et investir sont deux choses très différentes :

La consommation de sodas est en baisse depuis une dizaine d’années, mais l’action de Coca-Cola est au plus haut de son histoire.

La consommation de cigarettes a baissé de 44% depuis 1981 mais l’action d’Altria (propriétaire de Malboro et Philip Morris) a augmenté de 71.000% sur la même période.

L’action Domino’s Pizza a pris 3.000% depuis 2010. Celle d’Apple, « seulement » 1.000%.

Lisez moins de prédictions et plus d’histoires. Vos investissements, votre business, et votre vie en général s’en porteront mieux.


Si vous êtes intéressé(e) par les investissements, je vous recommande de lire cet article sur le portefeuille 4 saisons – un des articles les plus populaires du blog.


Crédits : @MagnusNome, @JOHesselberg, et @lnederhoed pour avoir écrit/produit l’épisode de Folkeopplysningen pour la chaîne norvégienne NRKNO.

Si vous êtes chaud en norvégien, vous pouvez retrouver l’émission ici :
https://tv.nrk.no/serie/folkeopplysningen/2016/KMTE50009215/avspiller