Le véritable génie de Sherlock Holmes

Sherlock : 9,1/10 sur Imdb. Un bijou.

Sherlock Holmes est le plus grand détective de tous les temps. C’est une de mes personnages de fiction préférés, donc je ne vais certainement pas contredire cette déclaration. Ce qui me gêne, c’est quand on le présente comme un expert en déduction. Comme un génie qui a toujours la théorie juste pour résoudre l’enquête.

Mais est-ce vraiment le cas ?

Avant de répondre à la question, faisons un petit tour du côté de Troie. Et intéressons-nous à Hélénos, fils Prima et d’Hécube. Selon la légende, Hélénos était l’un des hommes les plus intelligents de de l’armée Troyenne. C’est lui qui, sous la torture, indiqua notamment aux Achéens comment capturer Troie. Mais ce n’est pas pour ça qu’il nous intéresse aujourd’hui. Parce qu’Hélénos n’était pas un prophète comme les autres. Il était capable de prédire le passé.

Compétence stupide, vous me direz. Pas si vite.

Prédire le passé

Considérez les deux expériences ci-dessous :

  1. Imaginez un glaçon posé sur une table, et essayez de deviner comment il va fondre dans les deux prochaines heures. Essayez de prédire la forme que la flaque d’eau aura sur la table. Si vous faites l’expérience en vrai, la flaque ressemblera probablement beaucoup à ce que vous venez d’imaginer.
  2. Faites maintenant l’exercice inverse. Imaginez une flaque d’eau, et essayez de reconstruire dans votre esprit la forme du glaçon qui l’a causée. Plus difficile. D’ailleurs, on notera que l’eau ne vient pas nécessairement d’un glaçon, ce qui rend la tâche encore plus compliquée.

La seconde opération est bien plus difficile, parce qu’elle demande beaucoup d’imagination.

Si vous avez les bons modèles et que vous avez du temps devant vous, vous pouvez prédire avec précision comment le glaçon va fondre. C’est un problème de physique compliqué, mais plus simple à résoudre que l’étude de boules de billards en mouvement par exemple.

Par contre, si vous partez de la flaque d’eau, il y a une infinité de glaçons possibles, Sans compter l’infinité de solutions qui ne font même pas intervenir le glaçon.

La première opération, du glaçon vers la flaque d’eau, est un processus a priori. C’est la façon de penser des physiciens et des ingénieurs. La seconde opération, le processus a posteriori, est utilisée par les historiens. C’est une approche complexe, non-expérimentale, et non reproductible.

Dans un cas, il s’agit de déduction – j’ai un glaçon, quelle sera la forme de la flaque d’eau ?
Dans l’autre cas, il s’agit d’induction : J’ai une flaque d’eau <= Quelle en est la cause ?

Déduction vs Induction

La déduction commence par une hypothèse, puis examine les faits pour arriver à une conclusion. C’est le langage des mathématiciens :

A=B et B=C, donc A=C

Pour que la déduction soit bonne, il faut que l’hypothèse de base soit correcte.

Déduction : Théorie => Hypothèse => Observation => Confirmation

L’induction fonctionne à l’envers. Vous partez des observations, puis formulez une généralisation qui amène à la théorie.

Induction : Observation => Pattern => Hypothèse => Théorie

L’induction est le domaine d’expertise de Sherlock Holmes. À partir des éléments à sa disposition, il utilise son imagination unique pour formuler différentes hypothèses, et les éliminer une par une pour ne garder que la plus probable.

Là où les gens le voient comme ce génie asocial froid et calculateur, maître dans l’art de la déduction, Sherlock est en réalité plus proche de l’artiste dans sa façon de penser. Parce que l’induction demande une créativité et une imagination extraordinaires pour arriver à prédire le passé.

C’est pour cette raison que les livres d’histoire comme Sapiens ne peuvent pas être « corrects » factuellement. Un livre n’est finalement que l’interprétation de l’auteur. Qu’une possibilité parmi d’autres. Ça ne veut pas dire que ce genre d’ouvrage n’est pas intéressant, seulement qu’il ne faut pas les interpréter comme une vérité scientifique.

À quoi ça sert d’essayer de prédire le futur, si on n’arrive même pas à prédire le passé ?