L’art de la respiration

On peut se passer d’eau et de nourriture pendant plusieurs jours, mais si on arrête de respirer pendant plus de 15min, on meurt. Alors pourquoi est-ce qu’on parle sans arrêt de nutrition, mais qu’on n’évoque jamais la respiration ? Parce que c’est naturel, et qu’on sait tous comment respirer ?

Faites le test maintenant, et prenez une bonne inspiration.

Est-ce que votre poitrine et vos épaules sont montées et descendues ?

Félicitations, vous avez échoué.

Même quelque chose d’aussi instinctif que la respiration demande du travail. Et en faisant des recherches sur le sujet ces derniers mois, je me suis rendu compte que je respire mal depuis des années.

C’est une bonne respiration ça, scribe ?

Faux. Il y a deux principaux types de respirations, et ils sont loin d’être égaux. Petit récap’ :

1.    La respiration verticale

Beaucoup de gens aujourd’hui ne respirent pas correctement. Ils respirent verticalement, par la poitrine. Quand vous respirez verticalement, vos épaules montent pendant l’inspiration, votre poitrine s’étire, puis vos épaules redescendent pendant l’expiration.

Vous avez l’impression d’inspirer profondément de cette façon, mais c’est une illusion. Vous utilisez principalement la partie supérieure de vos poumons, là où ils sont le plus étroits. Donc vous privez votre corps de l’oxygène dont il a besoin pour fonctionner de façon optimale.

Souvent, on a ce problème quand on respire avec la bouche plutôt qu’avec le nez. Pendant très longtemps, ça a été mon cas. C’est d’ailleurs aussi à cause de ça que je ronflais – parce que je dormais la bouche ouverte. J’ai toujours blâmé ça sur des cavités nasales trop étroites (un pote à moi avec les mêmes « symptômes » s’était fait opérer pour cette raison au collège), jusqu’à ce que je tombe sur une technique simple. Dormir avec une bande adhésive sur la bouche.

Pour eux qui ont le même problème, je vous conseille d’essayer. C’est très bizarre au début – l’impression de suffoquer est inconfortable – mais ça a l’air de fonctionner. Finis les ronflements, la bouche sèche au réveil et la bave sur l’oreiller.

NB : Respirer verticalement/avec le ventre n’est pas toujours un problème. C’est aussi la réponse naturelle de notre corps quand il passe en mode survie – le fameux « fight or flight ». Les problèmes surviennent quand on est dans cet état en permanence.

2.    La respiration horizontale

Si la respiration verticale est mauvaise pour la santé, vous l’avez deviné, la solution c’est de respirer horizontalement. Au lieu de respirer par la poitrine, utilisez les muscles de votre diaphragme. Vos épaules et votre poitrine doivent rester immobiles, seul le ventre doit bouger.

Vous pouvez vous entraîner en vous allongeant et en mettant des livres sur votre ventre. S’ils montent et descendent à chaque respiration, vous êtes sur la bonne voie. Si vous n’avez pas de livres sous la main, attachez une ceinture autour de votre poitrine : si vous sentez qu’elle serre à chaque inspiration, c’est que vous inspirez verticalement.

Si vous avez un bébé, regardez-le dormir. Leur ventre se gonfle quand ils inspirent, et quand ils expirent, et ils utilisent leurs muscles pelviens pour expirer. Ce problème n’est donc pas inné. Du coup, si on respire normalement à la naissance, et que respirer verticalement est à la fois inefficace et dangereux pour la santé, comment en est-on arrivé là ?

D’où vient le problème ?

Belisa Vranich nous apporte quelques éléments de réponses dans son livre Breathe :

  • Stress : Quand on est tout le temps stressé, on a tendance à hyperventiler. L’hyperventilation va à son tour augmenter notre stress, créant un cercle vicieux.
  • Mauvaise posture : À force de passer des heures assis devant son ordi ou affalé sur son téléphone, on développe une mauvaise posture. En étant affalé, notre cage thoracique s’effondre un peu, empêchant nos poumons de se remplir correctement, ce qui dégrade notre respiration.
  • Obésité : Des tissus gras autour de l’estomac peuvent obstruer notre diaphragme et notre cage thoracique, laissant encore une fois moins de place pour les poumons. L’obésité est aussi l’une des causes majeures d’apnée du sommeil – un sérieux problème qui fait qu’on arrête littéralement de respirer pendant qu’on est endormi.
  • Vêtements modernes : Porte un slim, des ceintures serrées, des T-shirts moulants peuvent nous empêcher de respirer confortablement, favorisant la respiration verticale.
  • Pollution de l’air : Si vous vivez dans un endroit très pollué, votre corps vous empêche de prendre des grandes bouffées d’air sans tousser péniblement. Du coup, vous vous adaptez en ne prenant que des petites inspirations, par la poitrine.
  • Cigarette : Fumer abîme les poumons, qui ne fonctionnent plus à capacité maximale. Si vous ne pouvez plus les utiliser correctement, encore une fois, vous allez inconsciemment commencer à respirer verticalement.

On a vu les deux types de respiration, et les causes du problème. Mais ce n’est pas ça qui m’a le plus marqué quand j’ai commencé à m’intéresser au sujet. En fait, j’avais tout faux sur les bases.

Le CO2 est ton ami

L’idée que je me faisais de l’hyperventilation, c’était ça :

Tu paniques => Tu respires vite => Tu manques d’oxygène => T’es dans la merde

La réalité est contre-intuitive, c’est l’inverse qui se produit. Pour comprendre ça, il faut s’intéresser à l’effet Bohr.

L’effet Bohr est la diminution de l’affinité de l’hémoglobine pour l’oxygène en présence de CO2. En d’autres termes, plus il y a de CO2, moins l’oxygène reste attaché à l’hémoglobine. Et donc plus c’est facile de le transmettre aux organes et aux muscles. À l’inverse, si vous manquez de CO2, l’oxygène va être très fortement lié à l’hémoglobine, et l’échange avec les tissus n’aura plus lieu. Il a une hypoxie locale au niveau des cellules bien que le sang soit saturé en oxygène.

Tu inspires trop d’air => Ton corps manque de CO2 => T’es dans la merde

L’hypocapnie (manque de CO2) est donc bien à l’origine de l’hyperventilation. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle respirer dans un sac fonctionne. En recyclant l’air qu’on vient d’expirer, au lieu d’inspirer plus d’oxygène, on revient à l’équilibre.

La conclusion contre-intuitive est donc la suivante :

Un manque de CO2 dans le corps provoque un manque d’oxygène au niveau des tissus.

Ça m’a aidé à comprendre un des problèmes que j’avais quand j’ai passé mon brevet de plongée. Plus j’inspirais d’air, plus j’avais l’impression d’en manquer. À chaque plongée, je vidais ma bouteille bien plus vite que les autres membres du groupe. Je réalise maintenant que j’étais probablement en hyperventilation constante. Le fait de retenir ma respiration aurait sûrement aidé à résoudre ce problème.


Je n’en suis qu’au début de mon exploration, c’est un sujet qui mérite d’être creusé. L’impact sur la performance, et la santé en général, est énorme. Ça fait d’ailleurs quelque temps que je compte m’inscrire à un cours de freediving pour en apprendre plus.

Affaire à suivre donc.

En attendant, pour mieux comprendre la science derrière la respiration, je recommande cette excellente vidéo d’e-penser :

4 ou 5 choses que vous ignorez sur la respiration