12 leçons à tirer de la réussite de Singapour

Lee Kuan Yew, Premier Ministre de Singapour entre 1959 et 1990

Singapour semblait condamné à l’échec ou à la subordination d’un de ses puissants voisins. C’est de loin le pays le plus petit de toute l’Asie du Sud-Est, et il ne possède aucune ressource naturelle. Mais un homme, Lee Kuan Yew, en a décidé autrement.

Henry Kissinger raconte que « sa vision, c’était celle d’un état qui ne se contenterait pas de survivre, mais qui règnerait grâce à son excellence. Une intelligence supérieure, la discipline, et l’ingéniosité remplaceraient les ressources qui manquaient. »

Quand Lee Kuan Yew a pris le pouvoir, le PIB par habitant de Singapour était aux alentours de 400€. Aujourd’hui, deux générations plus tard, il est supérieur à 60.000€.

L’histoire de Singapour et celle de Lee Kuan Yew sont étroitement liées. On ne peut pas comprendre l’un sans étudier l’autre. Le succès extraordinaire d’un homme et d’une nation, raconté dans le livre Lee Kuan Yew: The Grand Master’s Insights on China, the United States, and the World est plein d’enseignements pour nous aider à comprendre ce qui ne va pas chez nous.

En voici 12, parce qu’il faut bien commencer quelque part :

1) On a besoin d’échanger librement nos idées

La Chine rattrapera les États-Unis en PIB absolu. Mais sa créativité n’égalera jamais celle des Américains, parce que sa culture ne permet pas le libre échange et la critique des idées.”

2) La technologie va changer la façon dont les gouvernements opèrent

“La technologie va rendre le système gouvernemental de la Chine obsolète. D’ici 2030, 70 ou 75 % de ses habitants habiteront dans des villes, qu’elles soient petites, grandes, ou gigantesques. Ils auront des téléphones, Internet, et le câble. Ils seront bien informés et pourront s’organiser entre eux. Il sera impossible de les gouverner comme ils le font actuellement, où vous pouvez vous permettre d’apaiser et de surveiller une minorité pour que le reste suive. Parce qu’ils seront trop nombreux. »

3) N’essayez pas d’instaurer une démocratie dans un pays qui ne l’a jamais connue

“Je ne crois pas qu’il soit possible d’imposer dans d’autres pays des standards qui leur sont totalement étrangers, et totalement déconnectés de leur passé. Ne demandez à la Chine de devenir une démocratie, alors qu’en 5.000 ans d’histoire, elle n’a jamais fait de recensement. Ses dirigeants gouvernaient le pays parce qu’ils étaient empereurs. Ils coupaient les têtes en cas de désaccord, ils ne les comptaient pas pour aller voter.”

4) Accueillez ce que le monde a de mieux à offrir

“À travers l’histoire, tous les empires qui ont connu le succès ont embrassé et inclut dans leurs rangs des personnes de toutes les races, de toutes les religions, et de toutes les cultures.”

Une leçon que l’on retrouve chez Genghis Khan.

5) L’important, ce sont les résultats, pas les promesses

Quelque chose qu’on a oublié en France.

Quand vous avez une démocratie populaire, vous devez promettre toujours plus pour gagner des voix. Pour battre votre adversaire à la prochaine élection, vous devez promettre plus que lui. Et un cercle infini d’enchères commence, dont le coût et les dettes sont payés par la génération suivante. Les présidents ne sont pas réélus s’ils ne passent pas une bonne dose pommade à leurs électeurs. Donc ils ont tendance à procrastiner, à décaler les lois impopulaires le temps des élections. Donc les problèmes importants comme le déficit budgétaire, la dette, le chômage passent d’une administration à l’autre sans jamais réellement être traités. »

6) Les gouvernements ne devraient pas pouvoir opter pour la facilité

“Les gouvernements Américains et Européens ont cru qu’ils pourraient toujours soutenir les pauvres et les gens dans le besoin : les veuves, les orphelins, les personnes âgées et les sans-abris, et les minorités désavantagées. Les sociologues ont exposé leurs théories comme quoi les difficultés et les échecs n’étaient pas dus aux caractères des individus, mais à des failles dans le système économique. La charité est devenue un « droit » et les stigmates associés à une vie de charité ont disparu.

Malheureusement, les coûts de l’assistance sociale ont augmenté plus vite que la capacité du gouvernement à augmenter les impôts pour les payer. Le cout politique d’une augmentation des impôts est très élevé. Donc les gouvernements ont opté pour la solution de facilité en empruntant pour offrir des bénéfices toujours plus élevés aux personnes capables de voter tout en laissant la génération future, pas encore en âge de voter, s’occuper des coûts plus tard.

Le résultat ? Un gouvernement en déficit budgétaire permanent et une dette public énorme. »

Une question d’incitations mal alignées. Le même problème qui explique la corruption e à la FIFA ou au CIO.

7) Quels sont les critères pour évaluer le niveau de vie ?

“Le niveau de vie d’une personne dépend de plusieurs facteurs basiques : premièrement, les ressources qu’elle a par rapport au reste de la population […] ; deuxièmement, son niveau de compétence technologique, et son développement industriel ; troisièmement, son niveau d’éducation et de formation ; quatrièmement, la culture, la discipline et la motivation de la main d’œuvre. »

8) Quel est le facteur le plus important pour la compétitivité nationale ?

« La qualité de la main d’œuvre d’une nation est le facteur le plus important pour déterminer sa compétitivité au niveau international. C’est l’inventivité de sa population, l’entreprenariat, le travail d’équipe, et l’éthique de travail qui donne au pays un avantage certain en termes de compétitivité. Ces attributs sont vitaux face à la concurrence. En particulier l’entreprenariat, cette volonté de poursuivre les nouvelles opportunités et prendre des risques calculés. Rester sur place est la voie la plus sûre vers l’extinction. […]

Le deuxième attribut, l’innovation, est ce qui crée les nouveaux produits et procédés qui ajoutent de la valeur. […]

Le troisième facteur est une bon management. Pour grandir, les dirigeants des entreprises doivent ouvrir de nouveaux marchés et créer de nouveaux canaux de distribution. L’économie est guidée par les nouvelles connaissances, les nouvelles découvertes scientifiques et technologiques, et les innovations amenées sur le marché par les entrepreneurs.

Les experts et les savants sont le facteur numéro un du progrès économique d’un pays seulement s’ils utilisent leur cerveau pour capturer et découvrir des nouvelles connaissances, pour la R&D, le management et le marketing, la banque et la finance, et la myriade d’autres sujets qui doivent être maîtrisés – pas s’ils passent leur temps à lire des livres, des textes classiques et de la poésie. »

9) Méritez votre place dans l’histoire.

“Une nation n’est pas grande seulement par sa taille. C’est la volonté, la cohésion, l’endurance, la discipline de sa population, et la qualité de ses leaders qui lui assureront une place honorable dans l’histoire. »

10) Les leaders faibles se reposent sur les sondages d’opinions

Je n’ai jamais été trop concerné ou obsédé par les sondages d’opinions ou de popularité. C’est une marque de faiblesse chez un leader. Si vous êtes préoccupé de savoir si votre classement va monter ou descendre, vous n’êtes pas un leader. Vous êtes un suiveur, vous allez là où le vent vous mène. Entre être aimé et être craint, j’ai toujours pensé que Machiavel avait raison. Si personne n’a peur de moi, c’est que je suis insignifiant. Quand je dis quelque chose, je dois être pris très au sérieux. »

11) Nous sommes fondamentalement compétitifs

“Les êtres humains ne naissent pas égaux. Ils sont très compétitifs. Les systèmes communistes soviétiques ou chinois ont échoué parce qu’ils ont essayé d’uniformiser tous les bénéfices. Du coup, plus personne ne travaille dur, mais tout le monde récolte autant, si ce n’est plus, que son voisin. »

Pour convaincre un homme, ne faites pas appel à la raison, mais à ses intérêts.

12) Sur la valeur de l’histoire

“Si vous n’étudiez pas l’histoire, vous pensez forcément à court terme. Connaitre l’histoire vous permet de réfléchir à moyen et long terme.”

Un principe que j’aime à répéter sur ce blog. Recherchez la nouveauté dans le passé.