Feedback to the future

En 1986, le gouvernement américain publiait l’Inventaire des Émissions Toxiques, obligeant toutes les usines à déclarer publiquement chaque années leurs émissions de CO2. Cet inventaire n’étant pas une loi, aucune limite, aucune pénalité, aucun seuil à respecter ne furent imposés par le gouvernement. L’inventaire était seulement là à titre d’information pour le grand public.

Pourtant, quatre ans plus tard, les émissions totales de ces usines avaient baissé de 40 %. Et elles continuent de baisser encore aujourd’hui. Certaines entreprises chimiques se trouvant sur la liste des 10 plus gros pollueurs sont allées jusqu’à réduire leurs émissions de 90 % pour ne plus avoir leur nom sur cette liste.

Le feedback est un concept important à comprendre, que vous cherchiez à optimiser un système ou à atteindre un objectif personnel. Vous ne pouvez pas progresser si vous ne mesurez ou ne quantifiez pas ce que vous souhaitiez améliorer. Vous ne pouvez pas corriger votre direction si vous ne savez pas où vous allez.


Il existe deux types de feedback : les boucles négatives et les boucles positives. Parties intégrantes de tout système complexe, vous ne pouvez pas modifier un système complexe sans les modifier.

Feedback négatif

Le feedback négatif corrige ce que vous êtes en train de faire. Ce n’est pas quelqu’un qui vous dit « ta présentation était mauvaise », c’est quelqu’un qui vous dit “va moins vite, reviens en arrière, ralentis ».

Un feedback négatif, c’est un feedback correctif, qui ramène le système vers un état stable.

Ces boucles négatives sont omniprésentes dans les systèmes complexes. Crées par la nature ou par les humains, leur but est toujours le même : s’assurer que l’état d’un système reste dans les limites acceptables.

  • Un thermostat, qui doit garder la température le pièce la plus constante possible
  • La sueur : Transpirer rafraichit le corps jusqu’à ce que suer ne soit plus nécessaire.
  • La Réserve Fédérale : quand elle baisse les taux d’intérêts pour stimuler l’économie ; si l’économie croit trop rapidement, ils remontent les taux d’intérêt pour diminuer l’activité.
  • La douleur : Son seul but est de vous faire arrêter ce que vous êtes en train de faire, pour ne pas que ça finisse mal. Si vous vous cassez une cheville, ça va faire mal, et vous ne pourrez probablement plus marcher à cause de la douleur. Mais si un ours vous court après, vous allez détaler comme un lapin.

Un système complexe a généralement plusieurs boucles de feedback négatif qui peuvent entrer en jeu afin de s’autoréguler selon les conditions. Certaines boucles sont inactives par défaut – le système de refroidissement d’urgence d’une centrale nucléaire, ou notre capacité à transpirer – mais leur présence reste indispensable au bon fonctionnement du système sur le long terme.

L’erreur est de supprimer ces mécanismes d’urgence sous prétexte qu’ils ne servent pas souvent, ou qu’ils sont chers. En opérant ainsi, on réduit considérablement la fenêtre des conditions dans laquelle le système peut survivre. C’est ce qui se passe quand on empiète sur l’habitat des espèces en voie de disparition. Ou quand on ne dort pas assez.

La force d’une boucle négative est fonction de l’impact qu’elle cherche à corriger. Si l’impact augmente, le feedback doit être renforcé. Un thermostat fonctionne bien, sauf si vous ouvrez toutes les fenêtres.

Feedback positif

Le feedback positif, ce n’est pas quand on vous félicite parce que vous avez fait du bon boulot. C’est une façon de dire « continuez à faire ce que vous faites ».  

Si une boucle négative est auto-correctrice, une boucle positive est auto-renforcée. Elle renforce et accélère un process répétitif.

Par exemple :

  • Un virus : Plus il y a de gens avec la grippe, plus ils en infectent d’autres. Donc plus
  • Une bulle économique : plus les consommateurs achètent, plus les actions montent, plus le FOMO augmente, plus le gens achètent. Jusqu’à ce que ça pète.
  • La fonte de la calotte glaciaire : quand elle fond, la calotte reflète moins de rayons solaires, donc la terre se réchauffe, ce qui accélère encore plus la fonte des neiges.
  • Les intérêts composés : plus vous avez d’argent sur votre compte, plus vous gagnez d’intérêts, et plus vous avez d’argent.
  • Les effets de réseau : plus vous avez d’utilisateurs, plus le produit est utile, donc plus vous avez d’utilisateurs. Le Saint-Graal pour les entrepreneurs et les VC.

Les boucles de feedback positif sont source de croissance, d’explosion, d’érosion et d’effondrement d’un système. S’ils sont si rares, parce qu’une boucle de feedback négatif finit toujours pas s’installer.

Il n’y a plus assez de gens pouvant être infectés, ou les gens prennent plus de précautions. Il n’a plus de neige, donc les rayons ne sont plus reflétés. Il n’y a plus de nouveaux utilisateurs.

Un système avec un boucle positive sans surveillance finira toujours par s’autodétruire. Si cette boucle n’est pas volontaire, vous avez deux façons d’empêcher l’autodestruction :

  • Renforcez la boucle négative
  • Réduisez la croissance de la boucle positive

La deuxième option est préférable.

Il vaut mieux ralentir si vous conduisez trop vite que de demander aux constructeurs d’améliorer les freins.

De manière plus générale, les boucles positives interviennent dans la croissance d’un système, et les boucles négatives interviennent pour réduire l’engorgement et l’inefficacité du système. Pour en revenir à l’objectif initial – à savoir, comment améliorer la performance d’un système – ce n’est pas toujours nécessaire de modifier un paramètre, d’ajouter et/ou supprimer un process. Parfois, le simple ajout d’une nouvelle boucle de feedback là où elle n’existait pas avant a suffi à faire bouger les choses.

C’est une question d’accès à l’information.

Qui a accès à l’information ?

Le manque de feedback est l’une des causes les plus courantes du mauvais fonctionnement d’un système. C’est pour ça que les gens qui perdent leur sensibilité nerveuse ne survivent pas longtemps. Sans ce feedback crucial, « ralentis, danger, si tu continues, ça va mal se passer », on est incapable de corriger noter direction. Ajouter ou rétablir l’information est une intervention efficace, plus simple et moins chère que la modification d’un paramètres ou l’intervention physique.

L’idée n’est pas de tout mesurer, mais la plupart des gens gagneraient à monitorer plus d’aspects de leurs vies qu’ils ne le font actuellement. Tout ce qui est mesurable n’est pas important. C’est à vous de décider ce que vous souhaitez améliorer.

Vous pouvez améliorer ce que vous mesurez. Vous ne pouvez pas améliorer ce que vous ignorez.

Si vous cherchez à optimisez votre sommeil, est-ce que vous notez à quelle heure vous vous couchez, et à quelle heure vous vous levez chaque jour ? Est-ce que vous avez une App, un carnet, ou un fichier Excel où vous suivez l’impact de chaque changement ?

Vous voulez devenir un meilleur écrivain ? Combien de mots vous écrivez chaque jour ? Chaque mois ? Est-ce que vous écrivez de plus en plus ou de moins en moins ? Peut-être que le nombre de mots n’est pas la bonne métrique – il faut peut-être regarder combien vous avez de lecteurs, le nombre de messages que vous recevez, ou le nombre de livres que vous lisez.

Peu importe la métrique que vous choisissez, vous devez en choisir une pour suivre votre progrès. Sinon, comment savoir si vous allez dans la bonne direction ?

Changez le délai

Après avoir identifié la métrique à monitorer, vous devez définir la fréquence avec laquelle vous allez la surveiller. Le délai dans une boucle de feedback est un facteur critique du comportement d’un système. C’est l’une des causes principales des oscillations.

Si vous essayez d’ajuster l’état d’un système, mais que vous recevez des informations différées sur cet état, vous allez toujours être trop en avance ou trop en retard. Même chose si vous recevez l’information en temps voulu, mais que vous répondez en retard.

Imaginez une baignoire au 6e étage, avec le chauffe-eau au sous-sol. Ou pire, une douche. Sans système tampon. Vous savez, celle où la température de l’eau change 30 secondes après avoir tourné le robinet. Trop chaud, puis trop froid, et de nouveau trop chaud. Une horreur. Modifier la longueur du délai dans cet exemple vous permettrait d’éviter un bon nombre de cris et d’insultes.

C’est pour cette raison que le délai dans une boucle de feedback est important. Si vous vous pesez une fois tous les 6 mois, ça ne va pas être efficace. Si vous vous pesez toutes les 2h non plus. Des délais trop courts amènent une surréaction, des délais trop longs engendrent des oscillations amorties, répétées ou exponentielles.

La longueur de ce délai est un point de levier important, mais on ne peut pas toujours le contrôler. Certaines choses prennent le temps qu’elles prennent. On ne peut pas compresser indéfiniment le temps de construction d’un bâtiment, la grossesse d’une maman, ou la croissance d’une forêt.

Mais dès que vous le pouvez, essayez de jouer avec ce délai, et observez l’impact sur le résultat. Votre futur dépend du feedback que vous recevez.