Biais de confirmation : nous croyons ce que nous voulons croire

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Le biais de confirmation est notre tendance à sélectionner uniquement les informations qui confirment des croyances ou des idées préexistantes. C’est le Parrain de tous les biais cognitifs. Il sera encore plus prononcé dans des contextes idéologiques, politiques ou les contextes sociaux chargés d’émotions.

L’être humain est le meilleur pour interpréter toute nouvelle information de façon à ce que ses conclusions précédentes restent inchangées. (Warren Buffett)

Dan Gilbert, auteur de Et si le bonheur vous tombait dessus, illustre ce biais de la façon suivante : « quand la balance de notre salle de bains nous indique la mauvaise nouvelle, nous descendons et remontons de suite, juste pour être certain que nous n’avons pas mal lu l’écran ou mis trop de pression sur un pied. Mais quand elle indique une perte de poids (le Saint Graal !), ça nous met de bonne humeur pour le reste de la journée. En acceptant d’office les preuves quand cela nous arrange, et en insistant plus dans le cas contraire, on fait subtilement pencher la balance en notre faveur. »

Ne pas réussir à interpréter l’information de manière impartiale est la cause de grossières erreurs de jugement. Il ne faut pas se contenter de tester nos hypothèses d’une manière unilatérale, mais se forcer à collecter toutes les preuves pertinentes, contradictoires ou non. Un bon moyen d’échapper à ce biais est de chercher à réfuter notre hypothèse plutôt que de seulement rechercher les preuves de sa validité.

Nous croyons ce que nous voulons croire

Les medias fonctionnent avec le biais de confirmation. Que ce soit le Figaro ou Libération, les journalistes préfiltrent le monde pour coïncider avec des vues préconçues. Si leur filtre est le même que le votre, vous allez les adorer. S’il est différent, vous les détesterez. Peu importe s’ils disent ou non la vérité ou seulement leur avis, peu importe s’ils recherchent soigneusement chacun de leur article. Vous ne lisez pas les journaux en quête d’information, mais de confirmation.

L’esprit humain est comme un ovule, il possède un dispositif de fermeture. Quand un spermatozoïde est rentré, il se ferme pour que le suivant ne puisse pas rentrer. (Charlie Munger)

Durant les élections présidentielles américaines de 2012, le chercheur Valdis Krebs a analysé les tendances d’achats sur Amazon. Les gens qui avaient déjà voté pour Obama achetaient des livres en sa faveur, et les gens qui n’aimaient pas Obama achetaient eux des livres en faveur de l’opposition. Comme pour les journaux, les gens n’achètent pas des livres pour l’information, mais pour la confirmation. Krebs a étudié les tendances d’achats des clients sur Amazon et leurs habitudes sur les réseaux sociaux, et ses recherchent confirment ce que les études psychologiques sur ce biais de confirmation avaient prédit : vous voulez avoir raison sur votre façon de voir le monde, du coup vous allez chercher les informations qui confirment vos positions actuelles et ignorer les alternatives.

La raison pour laquelle nous utilisons ce raccourci cognitif est compréhensible. Nous avons besoin de beaucoup d’énergie mentale pour évaluer des nouveaux éléments, encore plus si ceux-ci sont compliqués ou flous. Nos cerveaux préfèrent prendre des raccourcis. Ça nous fait gagner du temps et de l’énergie. Plusieurs scientifiques évolutionnistes ont montré que notre esprit n’est pas équipé pour le monde moderne. Pendant la majeure partie de l’humanité, les gens n’avaient accès qu’à très peu d’information. Leurs décisions étaient basées sur leur chance de survie. Aujourd’hui, nous sommes constamment bombardés d’information et nous devons faire de nombreux choix complexes au quotidien. Pour ne pas être totalement perdus, notre cerveau va prendre des raccourcis.

Dans The Little Book of Stupidity, Sia Mohajer écrit :

« Le biais de confirmation est tellement ancré dans votre développement et votre réalité que vous ne vous rendez probablement pas compte de sa présence. Nous recherchons des éléments qui confirmeront nos croyances et nos opinions sur le monde mais excluons ceux qui viennent les contredire… Dans le but de simplifier le monde et de le rendre conformes à nos attentes, nous avons eu la grâce de recevoir les biais cognitifs.
Accepter l’information qui confirme nos idées est facile et demande peu d’énergie. En essayant d’économiser de l’énergie, notre esprit va rechercher l’information de telle sorte que notre interprétation de la preuve sera biaisée. »

La complexité du biais de confirmation, vient du fait qu’il est impossible à éviter si l’on n’est pas conscient de son existence. Même face à une preuve contredisant notre avis, nous allons chercher à l’interpréter de telle sorte qu’elle renforce notre opinion actuelle. Etre conscient de ce phénomène change à coup sûr notre vue du monde. Ou plutôt notre perspective sur le monde. Lewis Carroll disait que « nous sommes ce que nous croyons que nous sommes », mais il semblerait que le monde soit aussi ce que nous croyons qu’il est.

Un poème de Shannon L. Adler illustre bien ce concept :

« Lis-le avec chagrin et tu ressentiras de la haine.
Lis-le en colère et tu seras vindicatif.
Lis-le avec paranoïa et tu seras confus.
Lis-le avec empathie et tu ressentiras de la compassion.
Lis-le avec amour et tu seras flatté.
Lis-le avec espoir et tu seras optimiste.
Lis-le avec humour et tu ressentiras de la joie.
Lis-le sans le juger et tu seras en paix.
Ne lis pas du tout et tu ne ressentiras rien. »

Le biais de confirmation en action

Pourquoi avons-nous tant de mal à accepter toute information qui contredit nos idées ? La première fois qu’ils entendent parler du biais de confirmation, les gens refusent souvent de croire qu’ils sont affectés. Après tout, nous nous considérons pour la plupart comme des gens intelligents et rationnels. Comment expliquer alors que nos croyances perdurent même face à des preuves évidentes ?

C’est en partie dû à notre besoin de constance, de cohérence. Nous sommes bombardés d’information. Des médias, de nos collègues, de notre expérience, de nos amis. Notre cerveau doit trouver un moyen de trier et de stocker tout ça. Nous y arrivons par l’intermédiaire de raccourcis cognitifs et de nos modèles mentaux. Ils peuvent être utiles comme dangereux.

Le biais de confirmation est un de ces raccourcis les plus inutiles et trompeurs qui soient. L’information que nous traitons est influencée par notre vécu, par toutes nos croyances préétablies. C’est pourquoi nous remarquons plus facilement ce qui conforte nos idées, et pourquoi tout élément contradictoire est reçu avec scepticisme. Notre manière même d’assimiler l’information est extrêmement biaisée. Constamment réévaluer notre façon de voir les choses demanderait trop d’efforts, du coup nous préférons la renforcer. C’est aussi beaucoup plus simple de ne considérer qu’une idée à la fois.

L’œil ne voit que ce que l’esprit est prêt à comprendre.
(Henri Bergson)

Nous ignorons les preuves contradictoires indigestes pour nos cerveaux. Les recherches de Jennifer Lerner et Philip Tetlock ont montré que nous pensons de manière critique seulement quand les autres nous en tiennent responsables. Nous aurons moins tendance à être biaisés si nous avons à justifier nos croyances ou notre comportement. Mais ce n’est pas dans l’optique d’être rigoureux ou d’avoir raison, mais pour éviter les moqueries ou la dérision. Ignorer telle ou telle hypothèse est utile quand il s’agit de se ranger auprès de la majorité pour éviter l’aliénation sociale.

Voici quelques exemples du biais de confirmation en action :

Changement climatique

Pierre croit au changement climatique. Il pense que c’est un sujet grave, et prend le temps de se documenter, de lire des études sur le réchauffement de la planète, sur les énergies renouvelables et la pollution. En conséquence, Pierre va continuer à croire au changement climatique et à soutenir les projets visant à réduire son impact.

De son côté, Paul pense que le changement climatique est un mythe. Il va chercher les informations confirmant que les scientifiques se trompent, que nous sommes tous tombés dans le panneau, et que tout ça n’est qu’un vaste complot des écolos. En persévérant dans ses recherches, il va renforcer l’idée que le réchauffement de la planète n’est pas réel.

Aucune discussion ne sera possible entre Pierre et Paul, ils ne sont pas capables d’interpréter les arguments de l’autre sans être biaisés. Ils écouteront mais n’entendront pas. Plus ils sont persuadés d’en savoir sur le sujet, plus ils auront tendance à filtrer les preuves du contraire.

Au passage, si vous vous posiez encore la question, le changement climatique est bien réel.

Les élections présidentielles

Le biais de confirmation est particulièrement présent sur les réseaux sociaux lors des présidentielles. Dans un contexte politique en particulier, les gens ne vont aimer/partager que les articles ou vidéos qui vont renforcer leurs opinions et immédiatement rejeter ceux qui s’y opposent. Ce biais va de part avec l’heuristique de disponibilité, qui va amener les gens à se braquer encore plus.

Combien d’entre vous ont fait l’effort de lire des articles en faveur du candidat de l’opposition ? Si vous l’avez fait, combien d’entre vous ont immédiatement rejetés tous les arguments, les tournant en dérision ou refusant de croire leur validité ?

Tout comme le foot ou la religion par exemple, les conversations politiques sur Facebook notamment sont une mine d’or pour observer les biais cognitifs en action.

Google

Grâce à Google, nous pouvons instantanément rechercher et vérifier même les arguments les plus bizarres possibles. Mais si notre recherche initiale ne va pas donner les résultats auxquels nous nous attendons, nous n’allons pas y prêter attention. Nous allons plutôt faire une nouvelle recherche, avec des mots-clés différents, pour tomber sur un résultat qui confirme notre idée de base.

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Musique

Le biais de confirmation est intéressant ici parce qu’il explique en partie pourquoi on aime autant écouter de la musique. Dans son livre De la note au cerveau, Daniel Levitin nous explique que « quand la musique se déploie, le cerveau essaie constamment d’estimer quand un nouveau battement va arriver, et tire sa satisfaction quand il arrive à matcher ce battement virtuel avec celui de la chanson. »

La capacité de prédire chaque battement ou chaque syllabe successive nous est intrinsèquement agréable. La musique est un cas où le biais de confirmation joue en notre faveur. Nous apprenons à reconnaître et à comprendre les motifs et les conventions musicales, et nous prenons du plaisir à les entendre jouer.

Relations de couple

Imaginez que vous appeliez votre femme/mari juste après une dispute. Il/elle ne répond pas, ne vous rappelle pas et ne vous envoie pas de message. Il est très facile d’arriver à la conclusion qu’il essaie de vous éviter, ou qu’il s’amuse avec quelqu’un d’autre. Vous allez commencer à chercher des preuves de son comportement et allez tout interpréter de façon biaisée.

Le danger ici est que vous ne considérez que l’option de départ – votre femme/mari vous évite (ou pire, vous trompe) – et agissez comme si c’était vrai. Un contexte émotionnel fort comme celui-ci est un engrais idéal pour le biais de confirmation.

Améliorer la prise de décisions

Un des plus gros problèmes de notre époque est qu’il y a de larges groupes de personnes qui croient tous les bruits de couloirs, juste parce que ça conforte leur vision du monde – pas parce que c’est effectivement vrai ou parce qu’ils ont des preuves. Ce qui est remarquable c’est que ça ne demanderait pas beaucoup d’effort pour établir la vérité dans la plupart de ces cas…mais les gens préfèrent le réconfort à la recherche.
(Neil deGrasse Tyson)

Cela peut sembler contre-intuitif voire contradictoire, mais le meilleur moyen de réellement prouver nos croyances ou nos hypothèses est de chercher les preuves du contraire. L’infirmation est bien plus utile que la confirmation lorsqu’il s’agit de prendre des décisions importantes. Les expériences scientifiques dignes d’être considérées sont réfutables ; il existe des cas où elles ne sont pas applicables. Une théorie qu’il est impossible de réfuter n’est pas considérée comme valide par la communauté scientifique, même si encore trop de chercheurs sont coupables du biais de confirmation.

Il n’y a pas d’astuce simple pour éviter à coup sûr ce raccourci. Comme tous les biais cognitifs, il était là au départ pour nous aider à apprendre et à prendre des décisions rapides. Être conscient de son existence est probablement la meilleure défense possible. La prochaine fois que vous aurez une décision importante à prendre, au boulot par exemple, posez-vous les questions suivantes :

  • Avec quoi suis-je tombé d’accord automatiquement ?
  • Quels éléments ai-je rejetés ou ignorés sans même m’en rendre compte ?
  • Comment ai-je réagi quand j’étais d’accord ? Et quand je n’étais pas d’accord ?
  • Est-ce que cette présentation/réunion/discussion a confirmé des idées que j’avais déjà ? Pourquoi ?
  • Et si je considérais l’hypothèse contraire ?

Prendre conscience du biais de confirmation n’est pas facile, mais avec l’habitude, il est possible de reconnaître le rôle qu’il joue dans notre façon d’interpréter l’information. En science, vous vous approchez de la vérité en cherchant activement des preuves de son contraire. Peut-être devriez-vous utiliser la même méthode pour vos opinions.

Pour en apprendre davantage sur le biais de confirmation, lisez The Little Book of Stupidity ou Le Cygne Noir. Et n’oubliez pas d’aller voir notre liste de modèles mentaux.