Biais cognitifs : la liste complète

Si les psychologues ont défini et classé plus de 180 biais cognitifs, ils ne sont pas tous égaux. Quand je dis pas tous égaux, je ne juge pas leur validité – ils sont tous critiquables – mais leur utilité.

La plupart des biais cognitifs sont des illusions d’optique qui apparaissent quand on regarde le comportement d’un point de vue du risque (statique) et qui disparaissent quand on les observe du point de vue de la ruine (dynamique).

Connaître et retenir une liste de biais cognitifs ne vous aidera pas à prendre de meilleures décisions. Après tout, même Danny Kahneman, le parrain de la discipline, avoue qu’il n’est pas meilleur malgré 40 ans passés à étudier les biais cognitifs. Mais c’est un bon point de départ.

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Dans un souci de clarté, j’ai repris la classification faite par Buster Benson (une possibilité parmi tant d’autres), qui sépare les biais en 4 grandes catégories :

  • Trop d’information
  • Manque de sens
  • Besoin d’agir vite
  • De quoi doit-on se rappeler ?
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Concept et catégorisation par Buster Benson – Design par John Manoogian III

TROP D’INFORMATION

Des milliers de chaînes TV. Des millions de pages web. Des milliards d’heures de contenu disponible en ligne.

Il y a trop d’informations, nous n’avons pas d’autre choix que d’en filtrer la majorité. Voilà comment notre cerveau fait le tri.

On remarque ce qui est mis en valeur dans notre mémoire ou répété régulièrement.

Notre cerveau a tendance à noter les choses en rapport avec ce qui a été récemment mémorisé.

Tout ce qui est bizarre, marrant, visuellement choquant ou anthropomorphique est plus facile à retenir.

Notre cerveau exagère l’importance des choses qui sont inhabituelles ou surprenantes. Au contraire, on a du mal à remarquer ce qu’on voit tous les jours.

On remarque quand quelque chose a changé.

Et on juge l’importance de ce changement selon sa direction (positive ou négative), au lieu de réévaluer la nouvelle valeur comme si elle nous avait été présentée seule. S’applique aussi lorsque l’on compare deux choses entre elles.

On privilégie les détails confirmant nos propres croyances.

Et on ignore tout ceux qui les contredisent.

On remarque plus facilement les défauts chez les autres que chez soi.

MANQUE DE SENS

Une fois que nous avons filtré l’information et réduit le flot à un volume acceptable, il faut en définir le sens. Nous relions les points, comblons les vides avec ce que nous pensons déjà savoir. Pour le meilleur ou pour le pire.

On voit des histoires et des schémas même dans des données aléatoires.

On filtre la quasi-totalité de l’information qui passe devant nos yeux, donc, par définition, on n’en voit qu’une infime partie. On a donc rarement le luxe de connaître entièrement quelque chose. Et notre cerveau va essayer de reconstruire le monde avec ces données partielles.

On utilise des stéréotypes, des généralités et des histoires à chaque fois qu’on tombe sur un nouvel élément ou qu’il existe des trous dans les informations.

Lorsqu’on n’a que des informations partielles à propos d’une chose précise appartenant à un groupe avec lequel nous sommes familiers, notre cerveau comble les blancs au hasard ou à l’aide de sources en qui nous avons confiance. Et on finit par oublier ce qui était vrai au départ.

On imagine que les choses et les gens que nous aimons ou qui nous sont familiers sont meilleurs que les choses et gens que nous n’aimons pas ou qui nous sont étrangers.

On simplifie les nombres et les probabilités pour les appréhender plus facilement.

Soyons honnêtes, on est plutôt mauvais avec les probabilités.

On pense savoir ce que les autres pensent.

Les problèmes arrivent quand on suppose que tout le monde pense comme nous. Soit en assumant que les autres savent aussi ce que nous savons, soit en imaginant qu’ils pensent à nous aussi souvent que nous pensons à nous-même.

On projette notre état d’esprit et nos croyances actuels sur le passé et le futur.

Problème amplifié par le fait qu’on a du mal à évaluer la rapidité/lenteur avec les choses changent.

LE BESOIN D’AGIR VITE

Contraints par le temps et l’information, on ne peut pas se permettre de rester paralysé. Sans sa capacité à agir rapidement face à l’inconnu, l’être humain aurait disparu il y a bien longtemps. On doit avoir confiance dans notre capacité à réagir à chaque nouvelle information, et dans notre capacité d’adaptation.

En vrai, cette confiance est exagérée, mais sans elle, on aurait du mal à faire quoi que ce soit.

On favorise ce qui est immédiat au détriment de ce qui est plus loin, moins flagrant.

On accorde plus de valeur aux choses du présent qu’à celles du futur et on se sent plus concerné par les histoires impliquant un individu en particulier qu’à celles de groupes ou d’anonymes.

On est plus motivé pour finir les choses dans lesquelles nous avons déjà investi du temps et de l’énergie.

C’est l’équivalent de la première loi de Newton : ce qui est en mouvement reste en mouvement.

Pour minimiser nos erreurs, on a tendance à préserver notre autonomie au sein du groupe et à refuser les décisions irréversibles.

Si on doit choisir, on penche pour la solution la moins risquée ou celle qui préserve le statu quo. Mieux vaut une peste connue qu’un choléra dont on ne connait rien.

On favorise les actions simples ou connues par rapport aux actions complexes ou ambiguës.

On modifie et renforce nos souvenirs après les faits.

Durant ce processus, la mémoire peut être consolidée mais plusieurs détails passeront à la trappe. On invente aussi parfois des nouveaux détails qu’on ajoute à nos souvenirs.

On écarte les spécificités et on préfère les généralités.

  • Association implicite
  • Stéréotype implicite
  • Biais de stéréotype
  • Préjugé
  • Effet de négativité
  • Biais de l’affaiblissement de l’affect

On réduit les événements et les listes à leurs points-clés.

C’est difficile de réduire ce genre d’item à des généralités, donc on n’en garde que quelques bouts qui nous permettrons d’en représenter la totalité.

  • Règle du pic-fin
  • Nivellement et affinement
  • Effet de désinformation
  • Négligence de la durée
  • Effet de rappel mémoriel en série
  • Effet de modalité
  • Indexage partiel
  • Effet de primauté
  • Effet de récence
  • Effet de position sérielle
  • Effet du suffixe

On stocke les souvenirs différemment selon la façon dont on a vécu l’expérience.

Notre cerveau n’encode une information que si elle paraît importante sur le coup, mais cette décision peut être affectée par d’autres circonstances (ce qui arrive en même temps, comment l’information est présentée, etc.) qui ont peu de rapport avec la valeur réelle de l’information.

  • Effet de profondeur de traitement
  • Effet de l’évaluation
  • Distraction
  • Bout-de-la-langue
  • Effet « au suivant »
  • Effet Google
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Références :

Cognitive bias cheat sheet – Buster Benson – https://betterhumans.coach.me/cognitive-bias-cheat-sheet-55a472476b18

Petit guide exhaustif des biais cognitifs – Associations libres – https://associationslibres.wordpress.com/2016/10/14/petit-guide-exhaustif-des-biais-cognitifs/

17 thoughts on “Biais cognitifs : la liste complète

  1. Waou super article, un grand merci. Je suis en train de lire Système 1, système 2 justement.
    Bravo et merci

    1. Bonjour Anne, et merci pour le commentaire !

      L’article n’est pas complètement terminé, ça va me remotiver pour le finir !

      Le livre de Kahneman, tu en penses quoi pour l’instant ?

  2. Merci beaucoup pour votre article !! C’est très clair et les liens vers les biais suuuuper appréciables 🙂 🙂

  3. Très beau travail !
    EN PARTICULIER MERCI DU TRES BON TRAVAIL D’INDICATION DES LIENS !!!
    Mais… et ce qui va suivre n’est évidemment pas de votre faute :
    1/ De fait la classification de Benson est souvent incohérente, on retrouve la même chose sous deux, trois, quatre noms différents…
    2/ Hélas, les noms sont souvent moches, ou obscurs, ou traduits très paresseusement de l’anglais (« malédiction du savoir »… quelle vilaine locution!)

    N’hésitez donc pas à proposer de nouveaux noms (ce que je vais faire) et à regrouper lorsqu’un même biais se retrouve dans plusieurs catégories différentes.
    En outre, nombre de biais sont également juste l’inverse d’un autre, ou le même biais mais appliqué au passé, ou au futur, etc.
    Je vais donc tenter de les présenter en grappes plus serrées, pour mieux montrer ces liens.

    Merci encore toutefois d’avoir grandement accéléré mon travail : -)))

    1. Merci, ca fait plaisir à lire !

      Je suis d’accord, la classification est loin d’être aboutie, et beaucoup de traductions sont plus que limites.
      J’avais mis cet article de côté, ca me donnera une bonne occasion d’y revenir pour l’améliorer.

      Curieux de voir votre travail sur le sujet !

  4. En outre, je pense qu’il manque très clairement une 5e catégorie, que j’appelle « amour-propre et séductions ». Bon nombre de biais sont dus à une trop bonne opinion de soi ou de telle ou telle capacité que l’on croit posséder à un degré supérieur à la réalité.
    D’autres nous séduisent, et il me semble que parfois cette notion de séduction importe plus que les causes particulières de la séduction.
    Je vous enverrai, si ce cadre peut accueillir 30 000 signes, le résultat de mon travail dans les prochains jours, et je crois qu’il sera très enrichissant pour tous d’en discuter.

    Je suis ravi de lire quelque chose de proprement, correctement et bien écrit sur le net. C’est si rare !
    Enfin, mes plus fervents compliments pour « Je lis pour apprendre, j’écris pour retenir. Et pour vérifier si j’ai vraiment compris ce que j’ai lu. Ce qui arrive moins souvent que je n’ose l’admettre. » Je partage ces deux motivations… mais j’en ai d’autres aussi ; -).
    Merci encore.

    1. N’hésitez pas à m’envoyer le fruit de tout ce travail de recherche, je l’incluerai volontiers dans l’article.
      Il est temps de le mettre à jour.

      Encore merci pour les compliments !
      Quelles sont vos autres motivations du coup ?

      Toujours intéressant de partager avec des internautes. C’est aussi pour ca que je publie ce que j’écris, pour faire naître ce genre de conversations.

  5. bonjour, il manques l’explication de l’effet « ça rime donc c’et bon », present dans le shema, mais absent dans la liste, merci

  6. Bravo pour tout ce travail et merci de le partager sur le web.
    Je m’interresse au sujet à titre perso, cela m’aide beaucoup 😀
    Merci beaucoup 😀

  7. Superbe travail traduisant fidèlement le livre de Kahneman. C’est très utile et cela évite de parcourir le livre indéfiniment à chaque doute !

    Merci

    1. Il y a probablement des erreurs dans les traductions / définitions, donc attention de ne pas tout prendre littéralement.

      Merci en tout cas 🙂

  8. Bonjour,
    Est-ce qu’il est possible de savoir comment notre cerveau crée ces biais cognitifs ?
    Je ne vois aucune information sur internet donc je me demandais

    1. Bonjour Leah,

      Je ne pense pas qu’on les crée, ils sont le fruit de l’évolution. Notre cerveau n’est pas encore habitué à la vie moderne, donc ce qui faisait sens il y a des dizaines de milliers d’années est un « biais » aujourd’hui.

      Le but n’est pas de les supprimer à tout prix, ils sont encore très utiles dans certaines situations. L’idéal serait de pouvoir identifier les situations dans lesquelles ils sont défavorables et de pouvoir éviter d’y succomber. Prendre conscience de leur existence est la première étape. Nécessaire mais pas suffisante.

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