Rien à cacher ?

« Je m’en fous de la vie privée sur Internet parce que je n’ai rien à cacher.« 

C’est comme ça que pensent la plupart des gens qui ne sont pas des criminels. Un raisonnement naïf et dangereux.

Un droit fondamental

Vous avez avoir le droit à la liberté d’expression même si vous n’avez rien d’important à dire aujourd’hui. Vous avez le droit de vous réunir même si vous n’avez aucune envie de protester maintenant. C’est la même chose pour le droit à la vie privée.

Dire qu’on n’a rien à cacher est une forme de privilège pour nous qui avons la chance de vivre en démocratie. Mais quand les droits de l’homme sont en option, l’anonymat est nécessaire pour éviter les répercussions sociales et gouvernementales. C’est parfois une question de vie ou de mort pour ceux qui ont des orientations sexuelles différentes, pour les minorités religieuses, ou pour tous ceux qui s’opposent au pouvoir en place.

Vous n’êtes peut-être pas dans cette situation là aujourd’hui, mais ça peut changer très vite.

Vous n’avez rien à cacher… aujourd’hui

On n’est jamais trop prudent en ce qui concerne notre anonymat et notre vie privée, parce qu’une fois qu’on les perd, on ne s’en remet jamais vraiment.

Vous n’êtes peut-être pas une cible maintenant, mais vous en deviendrez une si vous devenez riche, si vous adhérez à des opinions politiques controversées, ou si vous faites un faux pas sur les réseaux sociaux.

Autant éviter de voir votre adresse finir sur Reddit, votre numéro de sécu en vente sur le Dark Web, ou des vidéos de vous dans la salle de bain sur les réseaux sociaux.

Respecter la vie privée, ce n’est pas cacher l’information, c’est la protéger.

Est-ce que vous fermez la porte quand vous aller dans la salle de bain ?
Est-ce que vous donnez vos coordonnées bancaires à n’importe qui ?
Est-ce que vous aimeriez que votre historique de recherche soit public ?

Tout le monde souhaite garder certaines choses privées.

On agit différemment sous surveillance

Notre comportement change quand on sait que quelqu’un nous observe. En essayant de montrer le meilleur de nous-mêmes, on perd cette capacité à explorer nos idées par peur qu’elles soient jugées ou condamnées par les autres.

On ne peut pas développer une pensée autonome si on se croit surveillé. Comment être en accord avec le système si on n’a pas le droit d’être en désaccord ?

Sans l’anonymat, sans le respect de la vie privée, on perd aussi notre liberté d’expression parce qu’on s’autocensure.

Le mode par défaut

Protéger la vie privée, ce n’est pas seulement protéger une information en particulier. On s’en fout de savoir qu’une entreprise connaisse notre adresse mail ou qu’elle sache ce qu’on achète en ligne. Les problèmes surviennent quand ces données sont agrégées – on peut savoir qui vous êtes, ce que vous faites, où et avec qui.

Selon le MIT, 3 factures récentes – ou une facture, un post Instagram dans un café et un tweet localisé par exemple – sont suffisants pour vous identifier à 94 % parmi un million de personnes.

Même chose pour les portables. Un groupe de chercheurs a analysé 1,5 million d’utilisateurs de portables en Europe sur 15 mois, et a montré qu’ils n’avaient besoin que de 4 points de référence pour identifier 95 % d’entre eux.

Le droit à l’intimité et la vie privée ne devrait pas être considéré comme acquis, surtout en ligne. Dire qu’on n’a rien à cacher sert d’excuses aux entreprises et aux gouvernements. Ça devient le mode par défaut.

C’est l’anonymat qui devrait être le mode par défaut, pas le contraire.


Le droit à l’anonymat sur Internet ne sert pas qu’à protéger ceux qui ont quelque chose à cacher. On a tous des choses qu’on n’aimerait pas voir publiques. Mais quand le respect de la vie privée est compromis, par les entreprises tech ou le gouvernement, on est tous perdant.