Daniel Kahneman, auteur de l’ouvrage référence Système 1, Système 2, et accessoirement Prix Nobel d’économie, définit l’intuition comme le fait de penser que vous connaissez quelque chose, mais sans savoir pourquoi. Cette définition apporte une nuance importante à la définition classique, car elle implique que l’intuition puisse être bonne ou mauvaise. Et donc qu’il y a des moments où l’on peut s’y fier, et d’autres où on va droit dans le mur.
Quand peut-on se fier à son intuition ?
Selon Kahneman, qui a étudié quand on peut faire confiance à son intuition et quand on ne devrait pas, 3 conditions doivent être présentes pour que notre intuition soit valable :
1. L’environnement ne doit pas changer, ou très peu.
Il doit y avoir une certaine régularité que l’on peut identifier et prédire. Les grands maîtres d’échecs ont une très bonne intuition. Les couples mariés, qui arrivent à deviner l’humeur de leur conjoint(e) après seulement un mot au téléphone, aussi.
Ce n’est pas le cas des traders, parce que la bourse n’est pas assez régulière pour développer ce genre d’intuition experte. Comme la bourse, les autres systèmes complexes sont les pires environnements possibles pour faire confiance à son intuition.
2. Vous devez avoir un échantillon très grand. Autrement dit, vous devez avoir énormément d’entrainement.
Selon Herbert Simon, l’un des pionniers de l’IA et lui aussi prix Nobel, « la situation fournit un indice ; cet indice donne à l’expert un accès à une information stockée dans sa mémoire, et cette information, à son tour, lui donne la réponse. L’intuition n’est rien moins que de la reconnaissance. »
Plus vous avez vu d’exemples différentes, plus votre échantillon est important, et plus votre intuition a de chances d’être bonne.
3. Vous devez recevoir du feedback immédiat et précis.
Vous devez être capables de savoir presque immédiatement si votre intuition a été bonne ou pas.
Seulement quand ces trois conditions sont remplies, vous êtes capables de développer ce que Kahneman appelle « l’intuition experte » que peuvent avoir les médecins, les pompiers ou les joueurs de poker. Si l’un de ces éléments manque à l’appel, mieux vaut éviter de faire confiance à son instinct. Même quand on est expert.
Le problème de l’expertise
On peut, et on doit, faire confiance à son intuition dans certains domaines. De toute façon, on n’a souvent pas le choix parce que ça prendrait trop de temps de faire autrement. Mais il y a beaucoup d’environnements où les gens se fient à leur instinct, à tort.
C’est souvent le problème des experts, qui ont du mal à connaître les limites de leur cercle de compétence. Si on reprend l’exemple de la finance, il n’y a aucun doute sur le fait que les conseillers financiers en connaissent bien plus que ceux qu’ils conseillent. Ils savent comment analyser un bilan comptable, ils comprennent le jargon des analystes, ils connaissent beaucoup de choses. Mais ils n’ont aucune idée de ce qui va arriver à une action en particulier l’an prochain. Ça ne les empêchera pas de donner leur avis sur le sujet avec la même confiance, sans se rendre compte des limites de leur expertise.
Méfiez-vous si une prédiction est présentée avec beaucoup d’assurance. De façon générale, la confiance est un très mauvais indicateur de la véracité. Savoir si vous pouvez faire confiance à l’intuition, c’est comme décider si un tableau est authentique. Vous pouvez regarder le tableau autant que vous voulez, demander d’où il vient est généralement le meilleur moyen de savoir si c’est une copie ou pas.
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