Les idées fausses continuent d’exister parce que les gens continuent d’en parler.
Une idée qui n’est jamais évoquée – ou écrite – meurt avec son auteur. Le silence signe sa mort. Au contraire, à force de répéter une idée, on la mémorise et on commence à y croire.
Mais on oublie un point crucial :
Pour critiquer une idée, vous êtes obligés d’en parler. Du coup, vous continuez à évoquer les idées que vous voulez que les gens oublient – mais personne n’oublie justement parce que vous ne faites qu’en parler. Plus vous évoquez cette idée et plus les gens vont y croire.
C’est comme ça que fonctionne la propagande, via une exposition répétée à certaines opinions ou idéologies.
L’effet de simple exposition
L’effet de simple exposition1 explique que plus nous sommes exposés à un stimulus (personne, idée, produit), plus nous aurons de chances de l’aimer. La publicité est entièrement basée sur ce principe.
Le nombre de personnes qui croit dans une idée est directement proportionnel au nombre de fois où cette idée a été répétée lors de l’année passée – même si l’idée est fausse.
Chaque fois que vous attaquez une idée fausse, vous nourrissez le monstre que vous essayez de détruire. Chaque fois que vous retweetez ou citez le tweet de quelqu’un contre qui vous êtes en colère, vous aidez cette personne. Vous contribuez à diffuser ses conneries.
L’enfer pour les idées que vous déplorez, c’est le silence.
Ne perdez pas de temps à expliquer qu’une idée fausse est fausse. Vous ne feriez qu’attiser les flammes de l’ignorance et de la bêtise. La meilleure chose qui puisse arriver à une idée fausse est de l’oublier. La meilleure chose qui puisse arriver à une bonne idée est de la partager.
Nourrissez les bonnes idées et laissez les autres mourir de faim.
Merci de bannir mon livre
L’information est antifragile : elle se nourrit des attaques pour la détruire plus que des efforts pour la promouvoir. Beaucoup de politiciens ruinent leur réputation en essayant seulement de se défendre.
Le feu se nourrit d’obstacles. (Marcus Aurelius)
Balzac raconte comment les actrices de l’époque payaient les journalistes (souvent en nature) pour qu’ils leur écrivent des critiques favorables – mais les plus malines leur demandaient d’écrire des critiques défavorables, sachant que ça les rendrait encore plus intéressantes.
On a une certaine fascination pour ce qui est interdit. Les livres bannis sont un très bon exemple. Henry Miller, essayiste et romancier américain, a vendu des millions d’exemplaires de ses romans Tropique du cancer et Tropique du capricorne suite à leur bannissement aux États-Unis. Même son de cloche pour Madame Bovary, jugé comme « outrage à la morale publique et religieuse et aux bonnes mœurs, » qui connaîtra un important succès par la suite et deviendra une œuvre majeure de la littérature.
Le pire qui puisse arriver pour un livre, c’est d’être chiant. Et la critique signale justement l’opposé. Plus elle sera virulente, plus le livre gagnera en intérêt.
La haine, le plus court chemin vers le succès
Ryan Holiday s’est fait connaître pour son playbook bâti sur la provocation et le scandale. Sa campagne de presse pour l’adaptation au cinéma du livre I hope they serve beer in hell de Tucker Max en est l’exemple parfait.
L’idée de base était de convaincre les jeunes d’aller voir le film en leur interdisant. Après des mois de chaos et de controverse, le livre est propulsé au rang de bestseller et le film engrange des millions de dollars à travers le pays.
Quelques exemples de tactiques mises en place par Ryan et son équipe : encourager les manifestations anti-Tucker dans les lycées, envoyer des fausses plaintes à Gawker, créer un groupe de boycott sur Facebook avec des milliers de membres, lancer des pubs insultantes sur Internet, vandaliser ses propres panneaux publicitaires pour faire le buzz, etc.
Le clou du spectacle ? La campagne à Chicago. Après avoir placé une série de pubs insultantes sur les bus et dans le métro, son équipe s’est plainte au bureau des transports de Chicago et a envoyé des lettres aux élus de la ville pour dénoncer les pubs. Sous la pression, la ville a annoncé qu’elle retirait toutes les affiches. Le moment idéal pour Holiday de publier un communiqué de presse dénonçant cette décision lâche.
L’intéressé lui-même le déclare : « Jamais je n’avais vu autant de publicité. C’était la folie. »
Un coup de génie et une leçon en matière de trolling.
Vous savez ce qu’il vous reste à faire – ou à ne pas faire – maintenant.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_de_simple_exposition
https://twitter.com/nathanchubbard/status/967644622695538688
https://fr.wikipedia.org/wiki/Henry_Miller
https://fr.wikipedia.org/wiki/Madame_Bovary
https://observer.com/2017/02/i-helped-create-the-milo-trolling-playbook-you-should-stop-playing-right-into-it/